Une précision d'emblée : je suis coach, pas psychologue. Le coaching — contrairement à la thérapie — ne remplace pas un suivi psy. Si tu soupçonnes être ou avoir été en relation avec une personnalité pathologique, un accompagnement thérapeutique est indispensable. Ce que je partage ici, c'est ce que j'observe sur le terrain et les clés de compréhension qui peuvent t'aider à y voir plus clair.
Qu'est-ce qu'un « pervers narcissique » exactement ?
Commençons par démêler le vrai du fantasme.
Le terme « pervers narcissique » n'existe pas dans les classifications psychiatriques officielles (DSM-5 ou CIM-11). C'est une construction conceptuelle, popularisée en France par le psychiatre Paul-Claude Racamier dans les années 1980, puis par Marie-France Hirigoyen.
Ce qu'on désigne ainsi correspond généralement à un mélange de traits de deux troubles de la personnalité :
- Le narcissisme pathologique : besoin excessif d'admiration, manque d'empathie, sentiment de supériorité
- Les traits antisociaux : manipulation, mépris des règles et des autres, absence de remords
Attention à l'usage du terme
Tout partenaire toxique n'est pas un « pervers narcissique ». Tout narcissique n'est pas un pervers. Et tout comportement manipulateur ne relève pas de la pathologie. Ça dépend vraiment de ta situation personnelle — difficile de généraliser.
Les mécanismes de manipulation caractéristiques
Ce qui distingue la manipulation « ordinaire » (tout le monde manipule un peu, parfois) de celle d'une personnalité narcissique perverse, c'est la systématicité, l'intentionnalité et l'absence de remords.
Le love bombing initial
Au début, c'est l'idylle parfaite. Trop parfaite. Il te couvre d'attentions, te fait sentir unique, irremplaçable. Messages constants, déclarations enflammées, projets à deux en accéléré. Tu as l'impression d'avoir trouvé ton âme sœur.
J'ai accompagné une cliente — Nadia, 41 ans — qui m'a raconté : « Au bout de 15 jours, il parlait déjà mariage et enfants. J'étais flattée. Je n'ai pas vu que c'était un signal d'alarme. »
Cette phase sert un but précis : créer un lien intense très vite, avant que tu aies le temps d'observer ses vraies facettes.
La dévalorisation progressive
Une fois le lien créé, le masque tombe — mais lentement. Des remarques déguisées en « taquineries ». Des critiques présentées comme de « l'honnêteté ». Des comparaisons avec d'autres (ex, collègues, amies). Petit à petit, tu doutes de ta valeur.
Ce que mes collègues psychologues observent aussi : la dévalorisation alterne avec des moments de douceur. C'est précisément cette alternance qui crée la confusion — et la dépendance.
Le gaslighting
Te faire douter de ta propre perception. « Tu inventes. » « Ça ne s'est pas passé comme ça. » « Tu es parano. » À force, tu ne sais plus ce qui est vrai. Tu te fies à sa version des faits plutôt qu'à ta mémoire.
Ce que je vois en supervision : les victimes de gaslighting arrivent souvent en disant « je deviens folle » ou « peut-être que c'est moi le problème ». C'est un signe. Quand on doute systématiquement de soi après chaque interaction, quelque chose ne va pas — et ce n'est probablement pas toi.
Le triangle dramatique
Victime-bourreau-sauveur : il alterne entre les trois rôles. Parfois il te fait sentir coupable (tu es le bourreau). Parfois il se positionne en victime incomprise. Parfois il « te sauve » — généralement de problèmes qu'il a lui-même créés.
L'isolement stratégique
Pas brutal. Subtil. « Tes amies te montent contre moi. » « Ta mère se mêle trop de notre vie. » « Tu passes trop de temps au boulot. » Progressivement, ton monde se réduit à lui. Et c'est exactement là que tout se joue — sans soutien extérieur, tu deviens totalement dépendante de sa validation.
Les signes chez toi (pas chez lui)
Plutôt que de chercher à « diagnostiquer » ton partenaire (ce que tu ne peux pas faire), observe ce qui se passe en toi. C'est plus fiable.
Signaux internes à surveiller
- → Tu doutes constamment de ta mémoire, de tes perceptions
- → Tu te sens responsable de tout ce qui va mal dans la relation
- → Tu t'excuses en permanence, même quand tu ne sais pas pourquoi
- → Tu as abandonné des activités, des amis, des projets
- → Tu vis dans la peur de sa réaction
- → Tu te sens « vide » ou déconnectée de toi-même
- → Les autres te disent que tu as changé (et pas en bien)
Pourquoi on « tombe » dans ce piège
Question qui revient souvent : « Pourquoi moi ? Suis-je stupide ? »
Non. Vraiment, non. Les personnalités manipulatrices ciblent souvent des personnes empathiques, généreuses, qui donnent le bénéfice du doute. Des qualités — pas des faiblesses.
Mais certains terrains facilitent la prise :
- Un style d'attachement anxieux — la peur de l'abandon te fait tolérer l'intolérable
- Une histoire familiale de négligence émotionnelle — tu n'as pas appris à reconnaître tes besoins
- Une estime de soi fragile — les compliments initiaux comblent un vide
- Une croyance que l'amour doit être « mérité » — tu te bats pour prouver ta valeur
Sur mes 150 accompagnements, environ 65% des personnes ayant vécu une relation avec manipulation narcissique avaient un style d'attachement anxieux ou désorganisé.
Comment s'en sortir
Je ne vais pas te donner de conseil générique type « quitte-le/la ». Parce que :
- C'est souvent dangereux de partir brutalement (risque d'escalade)
- Le trauma bonding rend la rupture extrêmement difficile
- Les aspects pratiques (finances, enfants, logement) compliquent tout
Ce que je peux te dire :
Les étapes de protection
- Documente. Notes datées, captures d'écran, enregistrements si légal. Ta mémoire est attaquée — crée des preuves externes.
- Reconnecte-toi à ton réseau. Même un seul contact de confiance. Brise l'isolement.
- Consulte un professionnel spécialisé. Pas n'importe quel psy — quelqu'un formé aux violences psychologiques et à l'emprise.
- Prépare un plan de sortie. Finances, logement, aspects juridiques si besoin.
- En cas de danger : 3919 (violences femmes info) ou 114 par SMS.
Après : la reconstruction
Sortir de la relation, c'est une chose. S'en remettre, c'en est une autre. Les séquelles peuvent être profondes :
- Syndrome de stress post-traumatique (flashbacks, hypervigilance)
- Difficulté à faire confiance
- Confusion identitaire (« qui suis-je vraiment ? »)
- Culpabilité persistante
Le travail de reconstruction passe par plusieurs axes — et c'est là que le coaching peut intervenir, en complément d'un suivi psy si nécessaire :
- Reconnecter avec ton corps (les schémas amoureux se transforment par la conscience corporelle autant que mentale)
- Reconstruire ton estime de soi
- Comprendre les patterns d'attachement qui t'ont rendue vulnérable
- Apprendre à reconnaître les signaux d'alarme plus tôt
(Je ne suis pas certaine que le coaching seul suffise pour tous les profils — dans les cas de trauma sévère, une prise en charge psychologique spécialisée est indispensable.)
Ce que tu as vécu n'est pas ta faute. Mais ce que tu fais maintenant, c'est ta responsabilité — et aussi ton pouvoir.
Envie d'en parler ? Écris-moi pour un premier échange.
Maëva Corentin
Diplômée d'école de commerce (EM Lyon), carrière de 8 ans en RH dans une multinationale tech. Burnout professionnel à 32 ans déclenché par une rupture amoureuse brutale qui a fait s'effondrer toutes ses certitudes. Formation intensive en coaching (certifiée ICF), spécialisation en Analyse Transactionnelle et Communication Non Violente. Formation complémentaire en constellations familiales et attachement (approche Bowlby/Ainsworth).
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